roberto alagna hier, aujourd'hui et demain

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Le Roi Arthus


Le Roi Arthus

Le Roi Arthus

 

créé le 30 novembre 1903

au Théâtre de la Monnaie de Bruxelles

 

 

 

 

 

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Le Roi Arthus, est un opéra en 3 actes et 6 tableaux du compositeur français et librettiste Ernest Chausson.
Il fut composé entre 1886 et 1895.
Sa création aura lieu après le décès de son auteur ; La veuve et le beau-frère du compositeur en superviseront l'exécution.
Il ne sera joué en France qu'en 1916.
On notera que c'est une oeuvre peu représentée.

Comme son nom l'indique, le thème est emprunté aux fameuses légendes de la Table Ronde.

On y retrouve donc les personnages bien connus que sont :

 

 

Merlin (l'enchanteur) : voix de baryton

Arthus , que l'on appelle souvent Arthur : voix de baryton

Lancelot : voix de ténor

La Reine Guenièvre : voix de mezzo-soprano

Lyonnel : voix de ténor

Mordred : voix de basse

 

 

 

Comme on peut s'en douter, si Ernest Chausson s'est inspiré de ces légendes, il a aussi pris des libertés qu'il est amusant de relever.

 

 

 

 

L'intrigue de l'opéra

 

 

 

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Le Roi Arthus règne sur la Table ronde.  

 

Malgré une défaite face aux Saxons, il souligne la vaillance de ses chevaliers et plus particulièrement celle de Lancelot, le plus courageux.

 

Ce qu'il ignore, c'est que Lancelot,  qu'il considère son ami,   est amoureux de Guenièvre, la reine.

 

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Lancelot et Guenièvre


Les deux amants se rejoignent. Mais ils sont découverts par Mordred, un chevalier neveu du roi.

Lancelot l'attaque à l'épée et croit l'avoir tué ;  mais en  fait, il n'est que  blessé.
La reine et son amoureux regagnent le château royal et réalisent que Mordred a  révélé au roi toute son infortune.Lionel, écuyer de Lancelot réprouve la conduite de son maître.  

 

Arthus se tourne vers Merlin et crédule se confie à lui. Merlin lui fait part d'un funeste présage : la fin de la Table Ronde.

 

 

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Merlin

 


Lancelot, partagé entre son amour pour la reine et son amitié pour le roi ne nie pas les accusations portées. Les amoureux décident de s'enfuir.
Arthus, à qui Merlin n'a pas tout révélé, part à leur poursuite. 

 

 

Lancelot  se refuse à combattre son souverain et ami. Il se laisse blesser sans répondre. Voyant cela, Arthus pardonne à son chevalier qui meurt.

Guenièvre qui avait pressenti ce drame s'étrangle de chagrin avec sa longue chevelure.

Une nacelle emmène Arthus vers une contrée céleste, idéale.

 


 

 

Et maintenant comparons avec La légende telle qu'on la raconte le plus souvent

 

Merlin l'enchanteur dans la légende :

C'est un être doté de pouvoirs ; il est porteur d'une grande sagesse. C'est lui qui institue la Table Ronde et son code de Chevalerie. C'est lui qui fait d'Arthur le Roi de Camelot grâce à Excalibur, épée magique. Il est la référence, celui qui sait...

 


Par rapport à l'intrigue de l'opéra, il est donc normal que le Roi se tourne vers lui pour avoir ses conseils.

 

Arthur ou Arthus dans la légende :

C'est le Roi de Camelot, et il règne sur la Table Ronde et ses chevaliers. C'est un brave. Il a épousé Guenièvre.
Il mourra en se battant contre Mordred, le fils incestueux  qu'il aura eu avec sa soeur la maléfique fée Morgane. Il ne tue pas Lancelot qui mourra à la guerre.

 

L'intrigue opératique respecte bien l'amitié qui existe entre Lancelot et lui, même si les événements viendront à les séparer.
Par contre, ce n'est pas lui , dans les légendes que nous connaissons,  qui tue Lancelot.

 

 

Lancelot dans la légende :

on  l'appelle "Lancelot du Lac" car la fée Viviane, "la dame du Lac" l'a enlevé à ses parents et l'a élevé en chevalier parfait.

C'est le type même du chevalier courtois et amoureux. Il était destiné à trouver le Saint-Graal mais son amour pour la reine Guenièvre l'en aura privé.

 

L'intrigue de l'opéra relate cet amour de Lancelot pour la Reine Guenièvre que nous retrouvons dans tous les récits. Cet amour causera une brouille entre les deux amis.

 

Lancelot  aura un fils avec la douce Ellan : Galaad, chevalier au coeur pur qui trouvera le Saint Graal.

A noter que certains récits nous disent que Lancelot ayant péri à la guerre, c'est Arthus et Guenièvre qui élèveront Galaad comme leur propre fils.  

 

L'intrigue de l'opéra diverge des récits connus en faisant mourir Lancelot par la faute d'Arthur. Elle n'évoque pas Galaad.

 

Guenièvre dans la légende

C'est la  reine de Camelot et épouse d'Arthur. Elle tombe amoureuse de Lancelot.

 

Guenièvre après la mort du roi ne se suicide pas avec sa chevelure ; la légende nous dit qu'elle se retire dans un couvent.

 

Mordred dans la légende

Chevalier de la Table Ronde, il est le fils incestueux que le roi aurait eu avec la fée Morgane, sa soeur.  
Il est jaloux d'Arthur et avec son cousin Agravain il veut faire périr la reine sur le bucher pour la punir d'avoir trompé son époux. Lancelot sauvera Guenièvre. 

Pour finir,  Mordred affrontera Arthur et les deux s'entretueront.

 

Mordred n'est pas le neveu du roi mais son fils incestueux ; il semble que dans l'opéra on ait mélangé les personnages d'Agravain et de Mordred ; dans la légende, c'est Agravain, neveu du roi,  qui surprend les amants.   Mordred lui, est davantage un rival qu'un espion mais comme dans l'opéra c'est un personnage sournois. Dans l'opéra toujours, il n'est pas question de cette lutte où Arthur et Mordred périront.

 

 

Lionel dans la légende

c'est un cousin de Lancelot, chevalier de la Table Ronde lui aussi et élevé tout comme lui par la fée Viviane.
Il sera aux côtés du roi Arthur contre Mordred.

 

Dans l'opéra on parle de lui comme de l'écuyer de Lancelot ; pourquoi pas ?  

 

 

 

Les  grands "Lancelot" du cinéma

 

 

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Robert Taylor est Lancelot dans le film
Les chevaliers de la table ronde

de Richard Thorpe - 1953

Ava Gardner était la reine Guenièvre

et Mell Ferrer le Roi Arthur

 

 

 

 

 

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Cornel Wilde est Lancelot dans
Lancelot Chevalier de la reine
film réalisé par lui-même  - 1963

Jean Wallace était la reine Guenièvre

 

 

 

 

 

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Gérard Falconetti est Lancelot du Lac dans le film éponyme TV
de Claude Santelli - 1970

(Marie-Christine Barrault était la reine Guenièvre)

 

 

(G. Falconetti, tragiquement et précocément disparu
était le petit fils de Maria  Falconetti
célèbre Jeanne d'Arc du cinéma muet en 1928)

 

 

 

 

 

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Nicholas Clay  est Lancelot dans le film Excalibur

de John Boorman - 1981

 

 

 

 

 

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Richard Gere est Lancelot dans Sir Lancelot du Lac

 de Jerry Zucker en 1995

Sean Connery était le Roi Arthur

et Julia Ormond la Reine Guenièvre

 

 

 

 

 

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Jean-Baptiste Maunier est Lancelot dans la série TV "Merlin"

 

 

 

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 Sinqua Walls est Lancelot dans la série américaine TV
"Once Upon a Time" - 2012

 

 

 

 

 

 

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Dan Stevens est Lancelot dans le film fantastique "Nuit au Musée"
de Shawn Levy - 2014

 

 

 

Lancelot dans d'autres spectacles

 

 

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 Arthur et Lancelot dans la superbe évocation des
Chevaliers de la Table Ronde
du Puy du Fou

 

 

 

 

 

Lancelot à l'opéra

 

 

Roberto Alagna dans le rôle de Lancelot

 

Opéra Bastille - Paris

Mai - Juin 2015

Prise de rôle

 

 

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photo  Roberto Alagna page FB


 

 

 

 

 

Tiphaine de Camaret , étudiante, nous propose une analyse personnelle très réfléchie et très pertinente  sur la mise en scène quelque peu décalée, choisie par Graham Vick pour évoquer "Le Roi Arthus".
Je la remercie de bien vouloir nous la "prêter" pour permettre à chacun et chacune de se faire sa propre opinion ;

 

 

 

« Un Idéal ne meurt jamais »  , ou une certaine vision de la mise en scène … ( Analyse personnelle de l’opéra d’Ernest CHAUSSON « le Roi Arthus » ,  représentation à l’Opéra Bastille , Paris , le 16/05/2015 ).

 

 

 

Une mise en scène  représente, bien  plus qu’une banale  illustration « figurative », la vision que l’on peut avoir  d’une oeuvre au delà de l’histoire qu’elle raconte . Accuser la piètre qualité d’une mise en scène , dire «  C’est n’importe quoi !!! » quand une mise en scène ne nous plait pas,  c’est également nier  qu’une réflexion au-delà du visible, existe . Je ne reviendrai donc  pas sur la pièce en elle-même,  saluée unanimement pour la qualité de la prestation des chanteurs , même  ceux dont  le rôle durait quelques minutes à peine ( petite pensée pour le laboureur ) , et  des musiciens admirablement  dirigés par  le chef d’orchestre  Philippe Jordan .

Je reviendrai donc sur ce qui n’a pas fait consensus pour mieux  tenter   de comprendre cette  mise en scène ,  pour le moins polémique.  Pour ce faire, je  vais alors me concentrer sur 3 éléments qui ,  je pense, peuvent éclairer la grille de lecture empruntée par les metteurs en scène :

 

La Maison :   C’est l’oeuvre d’Arthur, la Table Ronde , inspirée de Merlin (serait-ce une maison Leroy-Merlin  alors   ? ),  cette Oeuvre, bâtie sur les bases de la solidarité de loyauté et de l’honneur ,  est une oeuvre commune à laquelle chacun des «Maçons-Chevaliers »  a contribué .  Par ailleurs,  Arthus , ne s’attribue pas  toute la gloire de cette oeuvre , et c’est Lancelot (le plus  mythique des chevaliers  de la légende Arthurienne)  qui se charge des plans , bâtit l’oeuvre avec son roi (son chef ? ) , après une sombre bataille contre les terribles Saxons . L’heure est à la prospérité , à la construction d’un avenir meilleur  (quête du bonheur … ce Graal absolu ) ,  avec en  fond ,  un paysage  idéalisé et médiéval de la vertu, de la loyauté  et de tout ce qui fait les valeurs d’un «honnête homme» (notion anachronique du 17e siècle  s’il en est ).  Mais dans l’envers du décor,  visible dès le deuxième tableau  de l’acte I ,   on voit bien que cette maison , avec sa petite étagère garnie de livres,  sa petite table, son petit canapé rouge  n’est qu’une façade à l’adultère de Lancelot et de Genièvre  … mais l’oeuvre  est encore debout, bien stable,   gardée  par les  épées «  piquets-de-chantiers » fichées dans le sol , gardiennes de la table ronde ;  mais ces limites sont franchies dès le premier tableau de l’acte II par Lancelot et Genièvre ayant  décidé de vivre leur amour  « au grand jour » ( sic) ,  libérés  des contraintes de la Table Ronde  …  Mais L’Oeuvre se fera malmener, encore et toujours dans ce même acte II ,  où nous la  découvrirons  d’abord  à la verticale,  trop grande et dépassant   l’amour interdit de Lancelot et Genièvre , puis de nouveau  droite dans le deuxième tableau ... mais  déjà, elle  est  bancale et en dehors des limites « chevaleresques ».  Un faux-semblant créé  dans la tête du pauvre Arthus , assailli par un terrible doute d’une trahison plus que probable,  confirmé  par Merlin  et par l’acte III , où tout sera renversé , brûlé ,  et la Table Ronde mise à terre avant d’être démembrée dans la dernière scène . Cette fois,  c’en est fini : La Table ronde, Oeuvre de la vie d’Arthur  n’existe plus... 

 

 

 

 

 

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Le Canapé « Ikea »  : De couleur rouge ( passion)  , que pourrait-il symboliser ? Le trône  d’Arthus, symbole immuable de la stabilité,   sur lequel se livrent en cachette , les amours coupables de Lancelot  et Genièvre  ?  Le rocher sur lequel le preux Chevalier meurt , pardonné par le roi ?  Pourtant ce canapé est rapidement approprié par le personnage de Lancelot .  C’est là que Lancelot rejoint Genièvre à l’acte I  , c’est là qu’il est pris de remord à l’acte II  , et dans le dernier acte ,  c’est ce canapé là qui brûle  la passion qu’il a éprouvée pour Genièvre, au moment où celui-ci  ouvre les yeux sur le choix à accomplir pour son salut … C’est là où il meurt pardonné. Il est a  la fois , trône,  Rocher, objet de stabilité sur lequel la passion mais aussi  le doute , la trahison s’installent.  à l’acte II deuxième tableau , Arthus renverse ce symbole … et tout bascule dans le chaos de la guerre  , la destruction finale de l’Acte III  .

 

 

 

 

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L’Arrière-plan :  Cette image est  le premier élément que l’on découvre , et  d’emblée se présente  l’impression d’une vision onirique et enchanteresse :  une colline verte , un ciel bleu , un peu nuageux , et  au sommet de la colline, une tour blanche , d’aspect plutôt médiéval : elle représente l ‘Idéal que cherche Arthus , en bâtissant sa maison « Table-Ronde »  , tentant de reconstituer cet  Idéal légendaire . L’Idéal est présent jusqu'au début de l’acte II , intact . Mais il est absent dans la deuxième partie de ce dernier . Tout est sombre . C’est la vision mentale d’un Arthus dans le doute .  Comme lui , nous  n’avons plus de repère , l’Idéal est absent,  et le Bâtisseur interroge Merlin sur le devenir de son Oeuvre. Et  c’est une illusion brisée,  souillée,  déchirée,  trainée dans la boue  que l’on retrouve  au 3 e acte,  l’Acte du Chaos .  La Table Ronde est morte et ne renaitra pas. A cause de l’amour de Lancelot pour Genièvre ,  à cause de la jalousie de Mordred et de la colère des chevaliers . Pourtant,  au seuil de la mort,  Arthus regarde encore l’idéal qu’il a tenté de suivre en bâtissant la Table Ronde . Un idéal qui sera suivi par d’autres bâtisseurs ,  qui comme Arthus ,  seront en quête d’un monde meilleur  et d’un Graal absolu .

On peut  alors résumer  la chose ainsi : Peu importe les trahisons et les faiblesses humaines  , un Idéal ne meurt jamais . Le roi Arthus, conseillé par Merlin  et  ses preux chevaliers ,  ont bâti une oeuvre , basée sur la vertu la loyauté et l’honneur : La Table Ronde . Utopie dérisoire, et  c’est ce qu’entend montrer la pièce . Car les hommes ne sont pas à l’abri des trahisons,  des jalousies ,  des doutes,  des querelles.  L’Oeuvre se désagrège,  au fur et à mesure que le chaos s’installe . L’Instigateur, le bâtisseur  ,  espère encore sauver l’Oeuvre qu’il a créée … mais il ne peut plus compter sur  ceux qui ont aidé à la bâtir et  qui servaient  d’appui à l’Oeuvre . La Table Ronde périra en même temps qu’Arthur … Périr ? Non . Car l’Idéal que regarde Arthus , prêt «  à quitter la terre »  , bien que   souillé, déchiré, sali, est loin d’être mort .  Et la Mort elle-même , s’efface face à la grandeur de l’Idéal auquel aspirait Arthus .   Ainsi , les choses matérielles , tout comme  les êtres,  meurent  et s’effacent  lentement tombent dans l’oubli ( comme le dit justement un Lancelot agonisant  à un Arthus ayant perdu toute ses illusions )  , mais  l’Idéal / l’Idée reste.

 

 

 

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Voilà . Je n’ai pas la science infuse . J’ai certainement ( et même  sûrement ) oublié des choses . Ce n’est qu’une vision,  parmi tant d’autres , d’un travail   et d’une réflexion sur la mise  en scène qu’on ne peut dégager d’un revers  de la main ,  en disant : «  C’est nul ! » ,   « Ca veut rien dire !!! » . Donc s’il y a des éléments  que je n’ai pas mentionnés  , et que vous souhaitez aborder ou développer ( ou même corriger si vous avez une autre vision de la chose émoticône wink  ) , vous pouvez ajouter  tout ça dans les commentaires .

En tout cas,  j’irais revoir  cet opéra dont  la mise en scène  possède , à  mon sens,  un niveau de lecture  très intéressant de l’oeuvre de Chausson  , et  qui lui donne ( je pense )  une dimension supplémentaire . Bravo a Graham Vick et longue vie a Arthus  !!!!

 

Tiphaine de Camaret



Afin d'avoir les deux pistes de réflexion contradictoires, voici une autre analyse, totalement à l'opposé.
Il reste à chacun et chacune le privilège de se faire sa propre idée et de définir  sa préférence personnelle.



"Reste la déception de la mise en scène. Pour unique décor une toile peinte représentant la colline de Glastonbury et qui se dégradera au fur et à mesure de la représentation, image naïve des idéaux d’Arthus. Sinon, deux pans de murs d’un mobil home entourés d’un cercle d’épées fichées dans la terre symbolisant la table ronde seront posés au premier acte pour s’effondrer au troisième, tandis qu’un hideux canapé rouge façon années 60 finira par brûler au grand soulagement du public. Dans cette absence de décor triste et glauque, les hommes vont et viennent habillés comme des ouvriers de chantier (certains ont même quelques casques) et les femmes dans des robes aux couleurs criardes, hormis Genièvre pieds nus en chemise de nuit la plupart du temps. Mais de cette « transposition » tellement éculée ne naît jamais aucune image marquante, juste le malaise à la pensée que les années passées par le compositeur sur sa partition et son livret sont ainsi méprisées par le metteur en scène. La lecture du texte de Graham Vick qui figure dans le programme nous conforte; il eût mieux valu plus d’humilité et de fidélité à Chausson que cette « traduction » qui suscite parfois quelques rires déplacés du public. Dommage, une aussi somptueuse exécution musicale d’une oeuvre aussi rare méritait mieux."

 

Jean-Claude Hulot



Et la partie musicale ?  La qualité fait l'unanimité.

 

 

 

 

 

Ce devait être l’événement de l’année lyrique: un opéra français rarissime défendu par trois stars du chant, Alagna soi-même, Thomas Hampson et Sophie Koch. Dans une mise en scène de Graham Vick. Opéra rare, oui ! Ce « Roi Arthus » n’avait JAMAIS été représenté sur une scène parisienne. Rare et maudit : une composition épuisante de dix années, de vains efforts pour le faire jouer. C’est Vincent d’Indy qui, quatre ans après la mort de Chausson, en supervisera la création à la Monnaie de Bruxelles, le 30 novembre 1903. Au Palais-Garnier on n’en jouera jamais qu’un acte, en 1916, sous la direction du fidèle d’Indy.
Un sujet abracadabrantesque ? Même pas. Ce sont les amours de Lancelot et de Genièvre, leur fuite du royaume d’Arthur (Arthus), le repentir de Lancelot, le suicide de Genièvre abandonnée par son amant, Lancelot qui refuse de se battre contre son roi et préfère se faire tuer. Arthus, désespéré, aspire lui aussi à mourir et implore le Ciel. Des voix très sûres, très belles Paysage désolé des sentiments, désolé et brumeux de la Cornouaille. Musique très française, et même très « Chausson », dans ses nappes lyriques qui balaient l’orchestre. Mais dans son « Roi Arthus » Chausson n’a pas résolu le « problème Wagner » qui obsèdait tout compositeur de cette époque: «Wagner me hante, me bouche toutes les voies. Je me fais l’effet d’une fourmi qui rencontre une grosse pierre glissante sur son chemin. Il me faut la contourner, trouver un passage… ». Et ce qu’il trouve…  ce sont des principes wagnériens. Expliquons: chez Bizet, Verdi, Puccini, la mélodie est à la voix, l’orchestre est l’accompagnateur. C’est (presque) l’inverse chez Wagner, l’orchestre a le thème, le fameux leitmotiv, la voix tresse son chant en se modelant, se modulant sur lui. Ecoutez « Tristan et Isolde » dont « Le roi Arthus » est bien proche par le sujet, écoutez la mort d’Isolde… Il faut donc des voix très sûres, très belles, et constamment à l’écoute du tissu instrumental.  Ces voix, on les a ici.

 

Bertrand Renard

 

 

 

14/04/2015
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